LES DIFFÉRENCES ENTRE LICENCE DE MARQUE ET FRANCHISE
Qu'est-Ce Qu'une Licence De Marque ?
La licence de marque est le contrat par lequel le titulaire d'une marque (le concédant) autorise un tiers (le licencié) à utiliser cette marque moyennant le versement de redevances. Cette autorisation porte, en principe, exclusivement sur l’utilisation de la marque désignée dans le contrat.
Les Caractéristiques De La Licence De Marque.
Le contrat de licence de marque se distingue par sa simplicité relative : il se limite à la concession, par le concédant au licencié, d'un droit d'usage sur une marque protégée. Le concédant conserve la propriété de sa marque et s'assure, par l’intermédiaire du contrat, que l’utilisation qui en sera faite par le licencié sera conforme aux standards établis. Le concédant garantit également au licencié la jouissance paisible de la marque sur le territoire défini contractuellement. En contrepartie, le licencié verse des redevances et respecte les conditions d'utilisation de la marque, généralement formalisées dans une charte graphique et des recommandations d'usage.

Les Obligations Limitées Du Concédant.
Dans un contrat de licence de marque, le concédant n'assume aucune obligation de transmission de savoir-faire ni d'assistance technique ou commerciale. Par principe, sa responsabilité se limite à garantir l’existence et la protection juridique de la marque et à veiller au respect de son image. Cette approche confère une grande autonomie au licencié dans la gestion de son activité commerciale qui n’a comme seule contrainte que celle de respecter les principales directives d’exploitation données par le concédant (respect d’une charte graphique, couleurs, aménagement etc.).
Le Contrat De Franchise : Un Engagement Plus Complexe
La franchise repose sur une collaboration beaucoup plus étroite entre franchiseur et franchisé. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le contrat de franchise se caractérise par la réunion de trois éléments essentiels :
- La mise à disposition de signes distinctifs : Comme dans la licence de marque, le franchiseur concède au franchisé l'usage de sa marque, de son enseigne et de ses autres signes distinctifs. Cette composante constitue le socle commun entre les deux modèles contractuels.
- La transmission d’un savoir-faire : Le savoir-faire constitue l'élément central du contrat de franchise. Comme cela a pu être abordé dans un précédent article de la série, le savoir-faire doit être « secret, substantiel et identifié ». Il s'agit d'un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du franchiseur et testées par celui-ci.
- L’assistance consentie par le franchiseur au franchisé : Le franchiseur doit fournir une assistance continue au franchisé pendant toute la durée du contrat. Cette assistance peut revêtir des formes diverses : formation initiale et continue, accompagnement commercial, support technique, outils de gestion, campagnes publicitaires communes.
L'étendue Des Obligations Contractuelles
La différence majeure réside dans l'ampleur des engagements respectifs. Tandis que la licence de marque se limite à la concession d'un droit d'usage, la franchise implique un transfert de savoir-faire et un accompagnement continu. Cette distinction se traduit par des obligations juridiques différenciées et des niveaux d'engagement variables.
Le Degré D'autonomie Du Distributeur
Dans une licence de marque, le licencié jouit d'une autonomie quasi-totale dans la gestion de son activité. Il respecte les consignes d'usage de la marque (notamment graphiques) mais détermine globalement sa stratégie commerciale, ses prix, ses fournisseurs (en dehors de ceux qui peuvent être imposés, ou « fortement conseillés » par le concédant) et ses méthodes de vente librement et en parfaite autonomie.
À l'inverse, le franchisé doit se conformer aux standards et procédures définis par le franchiseur afin de garantir à la clientèle une certaine uniformité entre les différents distributeurs du réseau, peu importe leur localisation. Si cette contrainte garantit l'homogénéité du réseau, elle n’en limite pas moins la liberté d'action du franchisé, qui se doit de répliquer le savoir-faire du franchiseur afin de maximiser ses chances de répercuter le succès commercial connu par ce dernier.
Cette obligation permet au franchisé d’obtenir un concept « clé-en-main » et d’ouvrir une activité immédiatement opérationnelle, mais restreint sa marge de manœuvre au risque de dénaturer le savoir-faire qui lui a été transmis et, par conséquent, d’être distingué des autres distributeurs du réseau.
L'obligation D'information Précontractuelle
L’obligation de délivrer un document d’information précontractuelle (DIP) ne permet pas de distinguer la licence de marque du contrat de franchise dans la mesure où le concédant comme le franchiseur peuvent être amenés à remettre un tel document à leur distributeur.
En effet, l’article L. 330-3 du Code de commerce, impose la remise d’un DIP à « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité ».
L’obligation pour une tête de réseau de remettre un DIP à son distributeur ne s’apprécie donc pas au regard de la nature du contrat conclu mais en fonction de l’engagement d’exclusivité souscrit par le distributeur. Dès lors qu’un tel engagement est exigé par la tête de réseau, alors la remise d’un DIP est obligatoire. Et, si cet engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité se retrouve dans la quasi-totalité des réseaux de franchise, il peut également figurer dans certains réseaux de licences de marque.
LES RISQUES DE REQUALIFICATION D’UNE LICENCE DE MARQUE EN CONTRAT DE FRANCHISE.
Si, d’apparence, la licence de marque et la franchise sont des contrats distincts, la pratique a démontré que la frontière entre ces deux modes de distribution demeure particulièrement ténue et génère un contentieux important autour de la requalification des contrats.
Face aux obligations incombant au franchiseur, que certains jugeaient contraignantes, des têtes de réseau ont tenté de contourner astucieusement ces exigences en développant des contrats de licence de marque particulièrement élaborés. Ces « licences renforcées » incluaient des éléments caractéristiques de la franchise (formations obligatoires, normes d'aménagement strictes, méthodes commerciales imposées) tout en conservant l'apparence juridique d'une simple licence de marque.
L'objectif était transparent : bénéficier des avantages du contrôle franchiseur sans assumer les obligations correspondantes, notamment l'assistance continue.
Cependant, cette stratégie d'évitement s'est révélée illusoire. Les juridictions ont, à de nombreuses reprises, requalifié ces contrats hybrides en véritables franchises, contraignant leurs concepteurs à assumer rétroactivement toutes les obligations qu'ils tentaient d'esquiver.

Les Criteres De Requalification Jurisprudentielle
À titre d’exemple, la Cour d'appel de Grenoble, dans six décisions rendues le 3 mars 2022, a procédé à la requalification de contrats intitulés « licence de marque » en contrats de franchise. Pour caractériser la transmission de savoir-faire justifiant cette requalification, la juridiction a relevé plusieurs éléments factuels déterminants :
- L'imposition par le concédant d'un aménagement spécifique des locaux pour assurer l'uniformité du réseau ;
- L'engagement contractuel du licencié à suivre une formation initiale et des formations permanentes ;
- L'obligation de respecter les méthodes de commercialisation et de vente développées par le concédant ;
- L'obligation de s'approvisionner auprès de fournisseurs référencés et de maintenir un assortiment suffisant.
Ces éléments démontrent que l'exécution du contrat outrepassait la simple concession de marque et comportait les caractéristiques essentielles du contrat de franchise.
Les Conséquences De La Requalification
La requalification d'un contrat de licence de marque en contrat de franchise emporte des conséquences juridiques substantielles pour le concédant devenu « franchiseur de fait » :
- L'application rétroactive du régime de la franchise : Le concédant se trouve soumis, dès la conclusion du contrat, aux obligations plus contraignantes du franchiseur, notamment l'obligation d'assistance technique et commerciale continue.
- L'engagement de la responsabilité contractuelle : Le "néo-franchiseur de fait" peut voir sa responsabilité engagée pour manquement à ses nouvelles obligations, s'exposant au paiement de dommages-intérêts ou à la résiliation du contrat à ses torts exclusifs.
- Le risque de nullité pour défaut de savoir-faire : La Cour d'appel de Toulouse, dans un arrêt du 14 juin 2017, a illustré ce risque en prononçant la nullité d'un contrat fraîchement requalifié en franchise pour absence de transmission de savoir-faire, condamnant le franchiseur au remboursement des redevances, du droit d'entrée et des frais de formation.
Dans un prochain article, nous vous délivrerons les 10 précautions indispensables pour éviter, autant que faire se peut, la requalification du contrat de licence de marque en contrat de franchise.
FRANCHISE OU LICENCE DE MARQUE : COMMENT FAIRE LE BON CHOIX ?
La distinction entre franchise et licence de marque ne se limite pas à une différence de degré mais constitue une différence de nature. Tandis que la licence de marque se contente de « louer » une marque, la franchise propose un véritable transfert de savoir-faire accompagné d’une assistance (technique et commerciale) continue.
Le choix entre ces deux modèles doit s'effectuer en fonction des objectifs poursuivis, des ressources disponibles et du niveau d'accompagnement souhaité par la tête de réseau. Pour reprendre l'analogie proposée par l'Express Franchise, « la licence de marque s'apparente à la vie commune, quand la franchise ressemble plus au mariage » : dans les deux cas, l'engagement et les contraintes ne sont pas de même nature.
La jurisprudence récente rappelle toutefois l'importance cruciale de la cohérence entre la qualification contractuelle choisie et la réalité de l'exploitation du réseau.
Cette compréhension des enjeux juridiques et commerciaux s'avère essentielle pour tout acteur du commerce organisé, qu'il s'agisse de développer un réseau ou d'y adhérer. L'accompagnement par un conseil juridique spécialisé reste recommandé pour sécuriser la démarche et optimiser les chances de réussite du projet entrepreneurial, tout en évitant les écueils de la requalification jurisprudentielle.
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Cet article est rédigé par le cabinet Bruzzo Dubucq
Cabinet d'avocats élu meilleure firme régionale en 2024 et 2025.